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Savez-vous parler l'enfant?

Dernière mise à jour : 31 mai 2019




« Il est plus facile de construire des enfants forts, que de réparer des adultes brisés » Fréderick DOUGLASS
« La période la plus importante de la vie n'est pas celle des études universitaires, mais la première celle qui court de la naissance jusqu'à l'âge de six ans » Maria Montessori

Savez-vous que toutes les créatures et compagnons de jeux (et de dessins) qui peuplent l’imaginaire de nos enfants ne sont pas des créations hasardeuses, mais sont le meilleur moyen qu’ils ont trouvé pour mettre en scène leur monde intérieur et par là, soulager des tensions, exprimer des conflits, fuir des difficultés ou compenser des échecs ?

Pénétrer à l’intérieur de ce monde magique est le meilleur moyen de les comprendre et donc les aider à dépasser les obstacles qu’ils rencontrent, et ces obstacles ils sont nombreux !


Quand ces obstacles ne peuvent être franchis les résultats sont des classiques : terreurs nocturnes, pipi-au-lit, peurs irrationnelles (allant jusqu’à la phobie), agressivité, difficultés pour se concentrer, bégaiements, etc, etc, la liste est longue….


Les expériences négatives de l’enfance, prennent racine et continuent de hanter l’adulte. C’est dans les premières années de vie que l’on édifie le socle de la personnalité (confiance en soi, empathie etc…)


Mais commençons par le commencement …


LE FONCTIONNEMENT PSYCHIQUE DE L’ENFANT.

« Ne t'inquiètes pas, les monstres, ça n'existe pas! »

Personne ne connaît un seul enfant qui a vaincu sa peur bleue des monstres à la suite de ce conseil rassurant de papa….


Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes : l’enfant n’est pas un être de raison (enfin presque pas) ! Il n’a pas atteint un développement psychique suffisant pour exploiter la pensée rationnelle de l’adulte, il fonctionne davantage à la sensation et à l’intuition et le monde qu’il perçoit est construit ainsi. S’il ressent une peur ou une crainte, ce ressenti aura valeur dominante sur les explications logiques des parents. Cette peur n’a d’ailleurs aucun lien direct, ou très peu, avec l’objet de la peur. Le monstre (ou le loup) n’est que l’expression symbolique de « quelque chose » de plus profond, donc lui expliquer avec agacement que « ça n’existe pas », n'aura jamais, jamais, jamais, l'effet escompté. Lui expliquer la même chose de manière patiente et réconfortante lui permettra au moins de se sentir écouté ...


L’enfant manie très bien deux mécanismes psychiques bien connus : la « projection » et « l’identification ».


La projection est le fait de « projeter » un sentiment propre sur le monde extérieur afin de le lui attribuer. Le monde extérieur devient ainsi le miroir de son monde intérieur. Par exemple, quand il est en colère c’est maman qui est vilaine. Quand il se cogne contre une table, la table est méchante et ainsi de suite. Comme on l’aura compris c’est le même mécanisme à l’œuvre quand il joue ou dessine, il projette ses sentiments sur les personnages et autres éléments. Par exemple une petite fille qui punit fermement sa poupée, prête à celle-ci ses sentiments inconscients (peut-être de l’agressivité liée à la naissance d’un petit frère). Cela lui permet non seulement d’extérioriser ses pulsions agressives mais aussi, en la réprimandant sévèrement, de se décharger de la culpabilité associée. Le jeu en soi est déjà en partie thérapeutique car il permet d’exprimer ce que la réalité refuse à l’enfant (ici de pouvoir être agressif envers son frère). Et comme on dit « tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime » ….


Je sais à quoi vous pensez…. Mais non, il est inutile de faire faire des dessins toute la journée à vos gosses pour les garder en bonne santé. Ce serait trop simple, et puis ils en auraient vite marre…


Quant au deuxième mécanisme bien connu, l’identification, il s’agit d’une « appropriation » des caractéristiques (mode de pensée et sentiments) de l’un des parents. Il s’agit de caractéristiques « introjectées » qui n’appartiennent pas à l’enfant donc qui entravent forcément sa vie émotive propre. Pour se développer l’enfant doit se défaire de ces identifications.


Nous touchons ici au rôle de l’environnement dans le développement de l’enfant. L’environnement c’est essentiellement le monde des adultes, donc vous, moi, les profs, les grands-parents, les voisins etc…. Ce que nous allons dire ne va pas plaire à grand monde et devrait vous dissuader de vouloir partir en vacances avec votre psy !

Allons-y …


L’IMPORTANCE DE L’ENVIRONNEMENT.


« Il est comme ça »
« C'est son tempérament »

Souvent la fatalité et l’hérédité ont bon dos. Il faut dire que c’est tellement plus simple de responsabiliser le « destin », que de nous responsabiliser nous-même. (Je vous avais prévenu !). Bien entendu la génétique a certainement un rôle à jouer dans cette affaire-là (comme dans toutes les affaires d’ailleurs) mais considérée de manière isolée elle n’explique rien !

« Un bébé, ça n'existe pas »

Cette assertion de Donald Winnicott fait encore grincer des dents… Ce que voulait dire par là ce célèbre psychanalyste anglais est qu’un bébé n’existe pas « seul ». Son développement dépend de son entourage proche. Sa constitution psychique est tributaire de l’Autre.


On voit bien d’ailleurs qu’un enfant (qui n’est plus un bébé) a du mal à se défaire de cette « osmose ». Dans la majorité des cas, si à la maison tout le monde est triste, il sera triste. Si l’entourage proche est agressif, il sera agressif. Il est très difficile, pour nous comme pour lui, de distinguer ce qui appartient aux autres et ce qui lui appartient en propre.


Il y’a ce qu’on appelle : « contagion des réactions émotives » (FRANCES G.WICKES).

Bien souvent l’apparition ou la disparition d’un symptôme dépend moins du problème rencontré par l’enfant à un moment donné que de l’attitude du parent en face de ce « problème » !


Oui, les enfants ont des problèmes aussi.


LES PROBLÈMES INFANTILES.


L’enfant est programmé biologiquement, dès sa conception, pour devenir un adulte, et ce autant sur le plan physique que psychique. Nous parlerons dans cet article de l’évolution psychique (vous vous en doutiez). Dans ce « développement normal » vers la maturation psychique (individuation), l’enfant va rencontrer ces fameux « problèmes » qui vont avoir tendance à le faire « régresser ». Si l’obstacle est trop haut, et que les parents ne sont pas suffisamment disponibles pour l’aider, l’enfant ne parvient à le franchir et retourne dans sa "zone de confort" c’est-à-dire à un stade de développement antérieur dans lequel il avait l’impression que tout allait mieux … Il fuit, au prix de son développement !

Si les parents sont « trop présents » derrière leur enfant, le résultat est le même car ils favorisent la tendance innée à la régression et créent donc les conditions parfaites à celle-ci.

Nous-mêmes adultes avons une tendance à régresser devant l’adversité. C’est le cas par exemple quand nous nous enfermons à la maison et essayons de fondre nos problèmes dans une tablette de chocolat (ah le sucre !), ou bien la tendance à tout vouloir contrôler (refuge dans la toute-puissance infantile).


Mais quels sont ces fameux problèmes que rencontrent nos enfants ?




Il y’a différentes manières d’aborder ces problèmes. Dans cet article nous parlerons essentiellement de « pulsions » et de « dynamique libidinale ».

Les enfants ne sont pas épargnés par les « conflits psychiques ». Quand on parle de « conflit » on parle d’opposition entre d’un côté la pulsion (force biologique inconsciente) et de l’autre l’interdiction de celle-ci (éducation, pudeur, dégoût, culpabilité etc )…

La pulsion est chargée d’énergie (libidinale ou destructrice) qui vise à être déchargée par la satisfaction. Quand la décharge de cette pulsion n’est pas permise (refusée par les parents ou l’enfant lui-même) et que l’enfant ne trouve aucun moyen de la liquider, elle ne disparaît pas, mais devient une stase qui provoque de l’angoisse, et là multiples mécanismes peuvent être mis en place tels que pipi-au-lit (régression), agressivité disproportionnée (déplacement de l’objet), etc, etc…

Notons également que l’enfant à tendance à toujours se sentir coupable de tout. Pourquoi ? Parce que dans son monde de sensations et d’intuitions il a du mal à percevoir un monde objectif « qui tourne sans lui ». Cette conception nécessite un raisonnement rationnel qui lui est encore difficile. Il est dans ce que l’on appelle : la « toute puissance ». Si papa et maman se quittent c’est forcément de sa faute …

Dans les agents pathogènes n’oublions pas (est-il nécessaire de le rappeler ?) les chocs traumatiques (agressions diverses, accidents graves, décès, abandon réels ou fantasmés).

Ok tout cela est bien gentil mais qu’est-ce qu’on en fait de tous ces petits bouts qui n’existent pas, mais dont les problèmes, eux, sont bien réels?

Existe-t-il un manuel d’utilisation ou un guide pratique des enfants ?


MANUEL D'UTILISATION DES ENFANTS



Si la source des symptômes de nos enfants réside essentiellement dans la répression de leurs pulsions, doit-on pour autant les laisser tout faire ?


Bien évidemment non !


Premièrement, si aucune interdiction n’est posée l’enfant se sent responsable et donc coupable de tout ! Quand un parent dit non, cela dégage la responsabilité de l’enfant et à tendance à le soulager du poids de la culpabilité…

Deuxièmement, nous vivons en société et devons apprendre à nos enfants à contrôler leurs pulsions pour maintenir la vie en communauté.


Par contre, concernant les interdictions qui sont des héritages de névroses familiales (peur excessive du regard des voisins par exemple), ou visant à maintenir la tranquillité des parents nous sommes un peu plus mitigés…

Bien entendu, il n’est pas question de culpabiliser les parents. Avant d’être parents, nous sommes des êtres humains, et nous avons besoin de moments de tranquillité, pour nous. Les enfants c’est compliqué, on les aime mais qu’est qu’ils sont bruyants ! Passer une journée avec nos gosses c’est super, mais ça fatigue et des fois on n’en a pas envie ! Refuser ces sentiments « normaux » revient à s’exposer nous-mêmes au conflit pulsionnel expliqué plus haut. Pour rappel : pulsion - répression - stase - angoisse - pipi au lit.


Heureusement les adultes « choisissent » d’autres symptômes que le pipi au lit. Quoique !.

Le tout est d’avoir bien à l’esprit le fonctionnement psychique des enfants pour reconnaître ce qui peut les affecter davantage et agir de manière plus adaptée.

Dans la mesure du possible, poser des interdictions (cohérentes) doit trouver sa contrepartie. La pulsion doit être déchargée. Chaque répression doit donc être accompagnée d’une liberté compensatoire, c’est-à-dire d’un espace substitutif dans lequel cette pulsion pourra être exprimée de manière acceptable.

Si votre petit garçon s’est fait réprimander car il a donné un coup de poing dans le ventre à papa (interdiction cohérente), laissez-le mettre sa chambre sens dessus-dessous et évitez de lui dire que « c’est pas bien » si vous l’entendez effectuer des règlements de compte violents entre jouets.


Ou bien si il adore la scène du roi lion dans laquelle « Mufasa le papa » meurt ….


Le dessin, la peinture, la pâte à modeler, les châteaux de sable, le sport sont autant de moyens compensatoires pour décharger ses tensions …



Petit rappel utile : Toute interdiction ne fait qu’éveiller l’intérêt de l’enfant pour l’objet de celle-ci.


Voilà pourquoi punir un enfant qui fait pipi-au-lit par exemple ne sert à rien. Non seulement parce que l’enfant cherche inconsciemment à attirer l’attention et nous rentrons dans son jeu, mais aussi parce qu’en nous comportant ainsi nous agissons sur le symptôme et non sur la « cause du symptôme ».


LE COMPLEXE D’ŒDIPE.

Nous voilà au complexe d’Œdipe !

Que d’encre coulée, de papier utilisé (d’innocents arbres massacrés) !

Réalité ou fantasme ? Sexuel ou non sexuel ? Universel ou culturel ? La littérature abonde de réflexions théoriques sur le sujet.


Nous nous cantonnerons ici à des faits observables dans notre société (et dans la grande majorité des cas) : l’attirance réciproque entre parents et enfants de sexe opposé et la rivalité avec le parent du même sexe.

Le petit garçon qui veut épouser sa maman et être plus fort que papa, la petite fille qui veut être plus belle que maman pour plaire à papa, etc…

On estime « le pic » de ses sentiments aux alentours des 4 ans environ …


Cette époque est très angoissante pour les enfants, qui y laissent beaucoup d’énergie pulsionnelle tant les enjeux affectifs sont grands. En atteste l’importance que prennent des situations en apparence anodines, comme par exemple la disproportion des réactions de votre enfant face à un échec ou une victoire dans un jeu banal, ou bien son refus acharné de quitter le lit conjugal le soir, etc…

Ce qui importe ici est que l’enfant comprenne que « le couple parental » est solide. S’il a l’impression de pouvoir prendre la place de l’un ou de l’autre des parents, il renforce ses sentiments de toute-puissance et de culpabilité qui le suivront toute sa vie, et pourront être les déclencheurs de pathologies telles que la névrose d’échec par exemple : culpabilité devant la réussite (scolaire, professionnelle, amoureuse) associée inconsciemment à la rivalité, qui conduit à l’échec par autopunition … Le schéma infantile se reproduit à l'âge adulte avec tous les enjeux que cela implique.

Un parent devrait réfléchir à deux fois avant d’intervenir en faveur de l’enfant dans les querelles avec le conjoint. Consoler ensuite l’enfant ne pose pas de problème du moment où il a compris que personne n’a pris son parti !

Ainsi la rivalité lui paraît inutile et lui reste à sa place d’enfant. Cela est dur pour lui sur le moment, mais est très rassurant sur le long terme.

Notons aussi que la volonté d’accaparation du parent aimé est souvent une composante des symptômes (attirer l’attention). Réduire à néant cette possibilité d’accaparation, réduit également les chances de constitution des symptômes…


Bien entendu cela ne doit pas interférer sur l’amour que portent les parents aux enfants. Si il y’a maltraitance il ne faut évidemment pas hésiter à porter secours à l’enfant sous prétexte de la résolution du complexe d’Œdipe. Les conséquences pour l’enfant seraient bien plus graves dans ces circonstances…

Ce qui est remarquable avec toutes ces théories sur l’enfance, c’est que, en tant que parents, plus on en sait plus on stress, et que plus on stress moins bien on fait ! Résultat : mieux valait ne pas lire cet article !

Plus sérieusement, rassurez-vous vous ne serez jamais parfait ! Et tant mieux pour vous (et pour vos enfants) ! Nos comportements sont « imparfaits » par nature, le tout est de « chercher à bien faire ». La perfection, parfois on s’en rapproche parfois on s’en éloigne, cet équilibre c’est la santé… Le jour où l’équilibre rompt, aucune honte tant qu’on a fait comme on a pu. Et puis peu de thérapeutes vous le diront, mais il est très facile de donner des conseils, plus dur de les mettre en pratique. Et même si il est vrai que nous avons des clés de compréhension à portée de mains, que nous arrivons à avoir de très bons résultats avec les enfants des autres, il est toujours plus difficile de s’occuper des siens, car la proximité empêche de prendre de la hauteur! D'où l'intêret de faire sa propre analyse. Mais c’est une autre histoire que nous ne traiterons pas dans cet article …

Pour conclure, je dirais qu’au-delà de toutes les théories, c’est la capacité d’écoute qui prime ! Savoir écouter les enfants, ou du moins essayer de les écouter plutôt que de les juger du haut de nos raisonnements parentaux, voilà un outil qui serait très efficace dans la prévention des pathologies.

Mieux vaut un parent qui écoute et ne connaît aucune théorie, plutôt qu’un psy qui connaît tellement de théories qu’il n’écoute pas …


DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS DE L’ENFANT.

En psychothérapie analytique, au-delà de la suppression des symptômes nous visons ce que nous appelons aujourd’hui le « développement personnel de l’enfant ».


Prenons un exemple : un enfant a des difficultés scolaires.

Au moment de venir nous voir, l’enfant à presque toujours tout un tas d’étiquettes collées dans le dos (troubles du comportement, hyperactivité, dyslexie, etc…).

Dans le meilleur des cas, les parents ont pris la décision de nous consulter avant que leur enfant ne soit médicamenté ou qu’on ait eu le temps de mettre en place des aménagements scolaires pour « enfant spécial »…

Beaucoup des troubles infantiles qui parasitent leur vie scolaire sont liés à une mauvaise utilisation de leur énergie pulsionnelle (libidinale). Si cette énergie est empêtrée dans la gestion de conflits elle n’est pas disponible pour être utilisée à bon escient c’est-à-dire dans la curiosité, la concentration etc…. Un enfant qui paraît avoir un retard intellectuel, peut donc tout à fait n’avoir qu’un « blocage » qui parasite son développement depuis quelques mois, parfois quelques années …


En thérapie, nous aidons l’enfant à « débloquer » tous ces conflits parasitaires, et il n’est pas rare qu’un enfant venu nous voir pour des terreurs nocturnes finisse par se découvrir (dé-couvrir littéralement) des capacités intellectuelles et une « envie d’apprendre » non-soupçonnée jusqu’alors.


Est-il besoin de souligner que nous ne remettons pas en cause l'influence de la génétique ni la nécessité médicamenteuse dans certains cas bien précis ? Néanmoins nous pensons (et la clinique le confirme) que le facteur environnemental à son rôle à jouer. De plus nous sommes conscients des abus qui entourent toute entreprise de « classification scientifique » et des travers de la surmédicamentation.


Les enfants débordent d’énergie, apprenons les à la canaliser ! Commençons par essayer « d’exploiter » cette énergie au lieu de la noyer sous des réprimandes ou des traitements médicamenteux. Et puis arrêtons de leur dire qu’ils sont malades, ils vont finir par le devenir !





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